Nan, veux pas d’enfant! 5 février
Nan ,veux pas d’enfant!
Pour qu’il ne passe du biberon au litron
du giron au perron
pour qu’il ne devienne pas un pestiféré, un vagabond
pour que je ne me fasse pas chaque jour du mouron!
Nan, veux pas d’enfant!
pour qu’il ne devienne pas chômeur
pour ne pas le plonger dans le malheur
pour que la vie ne soit pas en sa défaveur
ni qu’il soit à la merci d’exploiteur
Nan, veux pas d’enfant!
de peur de le voir manquer d’argent
qu’il devienne un sale garnement
intégre un mauvais clan
et finisse dans une cruelle mare de sang
Nan, veux pas d’enfant!
pour qu’il ne connaisse pas le désespoir
pour qu’il n’est jamais à arpenter le trottoir
ni être obligé de le voir une fois par mois au parloir
ni devoir, moi son père, le décevoir
Nan, veux pas d’enfant!
pour ne pas devoir lui mentir
sur la réalité de son avenir
pour ne pas le sentir souffrir
à la seule idée qu’il n’ai pas connu Casimir!
Nan, veux pas d’enfant
car je n’ai pas d’argent
parce que le futur n’est pas encourageant
parce que les temps sont changeant
pour qu’il ne me voit pas indigent
Nan, veux pas d’enfant
car au fond de moi j’en suis encore un
pour qu’il n’est pas a souscrire d’emprunt
ni ne devienne un redouté tribun
tout cela serait à mon goût inopportun!
Saint-Sulpice
Ils ne se connaissent pas 11 janvier
Ils ne se connaissent pas
L’un s’éveille aux aurores
l’autre aux confins de midi peine encore
au dehors les frimas, le verglas, le froid
Ils ne se connaissent pas
l’un erre au travers de la cité
l’autre pense à ce qu’il va manger
la radio annonce que deux malheureux sont passés à trépas
Ils ne se connaissent pas
l’un rêve de cervelas
l’autre est empli de joie à l’idée d’un bon repas
Là-bas des écoliers pressent le pas
Ils ne se connaissent pas
l’un épris de fatigue se damnerait pour un bon matelas
l’autre allongé dessus étire ses bras
Au loin un passant, surpris, fait un faux-pas
Ils ne se connaissent pas
l’un n’en pouvant plus tombe avec fracas
l’autre devant son miroir se trouve un brin trop gras
Sur un banc, assise, une vieille dame rêve de lilas
Ils ne se connaissent pas
L’un au coin d’un porche, à moitié allongé, plonge aux pays du coma
l’autre pressé en sort, contourne l’amas et s’en va
Un petit chien, intrigué, vient renifler cet étrange tas.
Saint-Sulpice
La ronde des fous 6 janvier
C’est la ronde des fous
la ronde des parias, des déchets
la ronde des anormaux, des casse-cous
c’est la ronde des pauvres du cervelet
C’est la ronde des fous,
des tributaires, des refoulés
c’est la honte de l’humanité
les cachés, les tarés, les mous
C’est la ronde des fous,
de ceux qu’on rejette, qu’on exècre
c’est la ronde des sans un sou
celle de ceux qu’on maltraite
C’est la ronde des fous
de nos frères et soeurs oubliés
de ces maudits cailloux
qu’on ramasse à souhait
C’est la ronde des fous
des filous, de ceux que l’on bannit
C’est la ronde des sapajous
des laids, des furies
C’est la ronde de nous
notre miroir haï et vomi
c’est la ronde des fous
qui jamais ne s’arrète de tourner
Saint-Sulpice