Le violon! 26 janvier
Plus jeune je me suis subitement pris un jour pour un grand intellectuel, bref j’ai eu la tête grosse comme un melon de Cavaillon mais l’esprit en était bien moins savoureux! Le seul bémol c’est que si j’étais issu d’une famille des plus cultivées, je n’étais nullement un grand esprit! L’idée de me vint de commencer ma transformation par une tenue adéquate. Me rappelant du superbe complet en velours marron avec grosse côtes de mon regretté professeur d’histoire de troisième un brin marxiste-Léniniste qui m’avais séduit alors en passant une trois semaines sur l’histoire de l’ex URSS et à peine trois heures sur les Etats-Unis, j’optait pour le même déguisement. Du haut de mes seize ans je me laissait pousser les cheveux pour me donner un air d’intello de gauche car intellectuel et de droite me semblait à l’époque incompatible! Je me mis à prôner la révolution et à promettre la guillotine aux « sales bourgeois de droite »dont je faisais partie ( Pour le plus grand effroi de mon père, vénérable Gaulliste dans l’âme qui failli alors faire un infarctus à ma seule vision).
L’étape suivante fut de fréquenter toutes les salles arts & essais de notre bonne vieille capitale montrant à mon entourage que j’étais le seul à comprendre toute la quintescence des films de Resnais ou de Rohmer. En réalité au bout de dix minutes de projection je m’endormais profondément au grand dam des trois autres quidams présents dans la salle…. Il ne fallait pas me parler de grosses productions Américaines car là je devenais rouge comme une tomate avariée et partait dans une joute verbale qui parfois durait toute la nuit pour, tous finir épuisés, devant la énième rediffusion d’un « chasse, pèche & nature » relatant les émois sexuels d’un fox terrier en arrêt devant une biche peu effarouchée! Un soir chez un ami je monopolisas le téléviseur pour regarder l’un de ces « chefs d’oeuvres » du cinéma Français. C’était l’histoire d’un clochard qui passait sa journée à faire du violon sur les quais. Que fut leur émerveillement devant ce superbe mélodrame en noir et blanc et en plan fixe avec caméra unique, le tout pendant deux heures d’affilée…. Ce soir là, je sais pas pourquoi mais j’ai fini à la rue!
Histoire de me crédibiliser un peu plus vis à vis des autres, je n’hésitas pas à délaisser ma sacro-sainte cigarette ( blonde et américaine) pour la pipe, empli mes poches de bouquins plus illisibles les uns que les autres, me laissa pousser la barbe, opta pour une monture de lunette « Mao » et me fis introduire dans l’un des plus grands cercles de penseurs Parisien. Si ma mémoire est encore bonne, j’y suis resté un mois et après ils m’ont lourdé avec pertes et fracas! Il faut dire que mes seules pensées allaient invariablement vers le buffet qui clôturait ces intenses réunions que j’ai longtemps pensé être en mandarin et non en français.
Un dernier point me sembla alors crucial, devenir alcoolique. Cela me plaisait bien cette image d’intello de gauche alcoolo! J’ai alors fréquenté tous les rades les plus tristes et les plus glauques de Paris, prônant ma bonne parole à coup de bourbon et gros rouge! L’avantage c’est que bourré comme un coing, je me mettais frénétiquement sur un bout de comptoir à griffonner le roman du siècle, d’une écriture élancée, pour chaque matin me réveiller avec la gueule de bois et être incapable de relire le torchon aviné que la veille j’avais si brillamment rédigé. Quand mon entourage me demandais mon manuscrit, c’est sans remords ni regrets que je leur tendais. La plupart, polis, n’osaient me signifier que celui-ci était illisible et moi cela me permettait de ne pas leur avouer que le contenu était des plus mauvais. Si un effronté osait insister, je savais l’air de rien le faire tant boire qu’au bout d’un moment il oubliait…..
Ben moi aussi cette période, étrangement, je l’ai longtemps mise de côté!
Bien à vous,
Saint-Sulpice
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