Sortilèges – Château d’Aventhon – Fondation Claudine et Jean-Marc Salomon – Alex – Haute-Savoie 8 avril
Dans un lieu étonnant, une exposition plus étonnante encore : cela se passe au château d’Aventhon, à Alex, village de montagne près d’Annecy, où Claudine et Jean-Marc Salomon ont créé la Fondation pour l’art contemporain qui porte leur nom. Ils l’ont confiée pour trois mois à une jeune commissaire indépendante, Anne Malherbe.
Sous un titre qui ne laisse guère deviner ses intentions, « Sortilège » réunit six artistes âgés de 30 à 40 ans : la Suédoise Klara Kristalova, la Kényane Wangechi Mutu, la Gabonaise Myriam Mihindou, les Françaises Vanessa Fanuele et Christine Guinamand et le Français Stéphane Pencréac’h, seul garçon de cette distribution féminine et internationale.
Mutu est presque une star du marché, Kristalova et Pencréac’h sont bien connus, Fanuele n’a que peu exposé : ce n’est donc pas le niveau de célébrité qui fait la cohérence du choix.
Ce n’est pas non plus le mode de travail : dessins, vidéos, peintures, collages, grès émaillés, photos et installations se côtoient.
Alors, quelle logique ? Le désir de démontrer que l’art actuel aime à s’enfoncer dans l’exploration des fantasmes, des peurs et des désirs enfantins, des superstitions publiques ou privées.
Mais aussi que le subjectif, l’onirique et le symbolique sont redevenus les ressorts de la création, après des décennies de discours théoriques ou pseudo-théoriques qui aspiraient à la généralité.
Et démontrer que naissent, ainsi, des oeuvres dont la puissance d’expression s’accorde à l’étrangeté formelle des oeuvres.
L’affirmation est convaincante et l’étrangeté souvent paroxystique. Pénétrer dans la salle dévolue à Pencréac’h, c’est tomber dans son monde délirant de loups-garous, d’hydres et d’officiantes de cultes sataniques. Avec une efficacité féroce, en associant les ressources de la peinture à celles du masque de carnaval, de la toile découpée ou pliée, il fixe des cauchemars qui, comme les vrais, mélangent l’épouvantable et le grotesque, l’obscène et le funèbre. Ses oeuvres s’inscrivent, elles, profondément dans la mémoire.
Autre monde troublant : dans la pénombre, Kristalova fait vivre ses figures polychromes, petite fille à jambes d’arbre ou à chevelure de papillons, animaux ployés, têtes grimaçantes ou vomissantes. Autant d’allusions à des souvenirs et des contes d’enfance, livrés bruts dans tout l’éclat de leurs couleurs brillantes. Passer de là dans la galerie des montages d’images de Mutu, c’est se trouver menacé par d’autres créatures, un peu femmes, un peu serpents, beaucoup plantes. D’où viennent-elles ? De la lecture de Lovecraft, du panthéon hindou, de cultes africains, du cinéma ? Autant que leurs anatomies, les origines de ces déesses sont hybrides.
La remarque vaut pour les six : leurs oeuvres naissent de réminiscences, de réapparitions, de superpositions, de métamorphoses. Guinamand continue à travailler sur la toile jusqu’à ce que prenne une forme presque distincte un paysage, un corps, l’esquisse d’un récit. Fanuele fait se dissoudre visages et anatomies qui se liquéfient et s’écoulent en sinuosités. D’autres figures peuvent alors émerger du noir et du blanc.
Ces dernières phrases pourraient s’appliquer aux photos de Mihindou, évocations spectrales de transes ou de danses. D’autres séries, en couleur, montrent des mains et des chevilles liées, des doigts piqués d’aiguilles. On les regarde avec stupeur en se demandant comment une création d’une si évidente puissance poétique a été jusqu’ici si peu montrée. Et on se plaît à imaginer ce que Bataille et Leiris auraient écrit à propos de ces oeuvres – et de cette exposition dans son ensemble. Car c’est avec leur volonté de pénétrer dans les obscurités humaines qu’elle renoue.
Bonne exposition,
Saint-Sulpice
« Sortilège » – Fondation Claudine et Jean-Marc Salomon – Alex (Haute-Savoie) – Tél. : 04.50.02.87.52 – Du mercredi au dimanche de 14 heures à 19 heures – Jusqu’au 14 juin 2009 - Tarif: 6 €.
lucaerne 8 avril
Alex… Bon, c’est juste à l’autre bout du département, mais en voilà une intéressante idée de promenade.
Quand même. T’as rien plus près ?
saintsulpice 8 avril
Vais voir ce soir si je trouves
Haute Savoie 6 octobre
Très intéressantes ces oeuvres !