Souvenirs furtifs 11 novembre
Une nappe vichy sur les bords de Marne
Un samedi midi après la classe
Un soleil de printemps sur la terrasse
Riton nous servant un homard sur un lit de glace
Une glacière sous l’appartement
Des ouvriers chargeant les blocs de glace
dans de vieilles camionnettes couvertes de crasse
le soleil brut et ardent
Ma grand-mère bottant les fesses d’un touriste Allemand
Mon père la retenant
l’homme abasourdi disparaissant
la tension retombant
Les vendeurs de journaux à la criée
le métro aux wagons rouges de première classe
et vert pour la populace de seconde classe
les affiches dans les tunnels « Dubo, Dubon, Dubonnet »
Un fort avec apaches et cavalerie, des legos
un sapin de Noël empli d’anges et de pain d’épice
surmonté d’une croix, et du petit Jésus
« O tannenbaum » pour unique mélodie
Des montagnes de cadeaux
à la télé ce soir là, Spartacus
Des bâteaux flottant dans le caniveau
Une culotte courte élimée
des copains enjoués
un cantonier énervé
Un torréfacteur aux senteurs enivrantes
des berlingots aux couleurs aguichantes
un cinéma désuet
un aprés-midi d’été
Une scie circulaire languissante
une chaleur terrifiante
l’ennui et la tristesse pesante
privé de vacances!
Une demeure immense
un jardin verdoyant
une chambre aux vertus d’antre
une véritable aisance
des soeurs, un préau
des marronniers, le printemps
Rome, la chaleur tel un étau
des souvenirs d’antan
Les Champs-Elysées,
Un bureau aux portes capitonnées,
Un ciel des plus ensoleillé
Mon père en terrasse, moi à ses côtés
scrutant au travers des barreaux le défilé du quatorze Juillet
le coeur en fête, enthousiasmé!
Pompidou meurt
Devant la télé, je pleure
Giscard d’Estaing, la neige
Bellecôte, une piste verte
Je me laisse emporter
mes skis dérapent, je chute
Un sourire aux lèvres, il me relève
je suis impressionné, désolé
Une phrase, il disparaît
Première leçon, abrupte
Un petit bistrot, les anciennes Halles
Des mareyeurs, des maraîchers
un volailleur, la maréchaussée
un petit salé, l’idéal!
Une messe en latin,
Un prêtre le dos tourné
Une vierge à l’air taquin
des sièges en osier
L’odeur de la confiture,
Moi, inerte en devanture
Un boucher, le tablier immaculé
me fait de deux pas reculer
Une caravelle, une passerelle
des passagers, une ribambelle
un aéroport aseptisé
premier vol, envie de liberté
Une queue de voitures sans fin,
une église bondée aux relents d’encens
un cercueil, des pleurs, des brides de latin
ma mère digne, une âme, un brisement.
Saint-Sulpice