Vol transatlantique…

Vol transatlantique... dans chronique du quotidien dawn

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                      Je me remémore un épique voyage que j’entrepris un beau matin ensoleillé au retour d’Hong-Kong. Nous montons dans le boeing 747-400 vol 3632 de la compagnie Cathay Pacific. Nous sommes au début de la première guerre du golfe mais dieu merci loin des zones de conflits. une charmante hôtesse me place et m’apporte immédiatement sur ma demande un bon bourbon dans lequel flottent deux translucides glaçons. Mon voisin un Cantonnais pur souche est déjà entrain d’allumer sa cigarette lorqu’un steward lui signale immédiatement que c’est interdit. « Comment? c’est interdit de fumer? m’entendis-je lui répondre tout en pensant que ce bourbon n’allait pas être si salvateur que ça sans une bonne cigarette en guise d’accompagnement! Le steward qui pourtant au départ me semblait affable prend un air crispé et un sourire de faux-cul de première et me signale ainsi qu’à mon Cantonnais de voisin à la mine ahuri que nous avons l’immense honneur d’inaugurer le premier vol transatlantique non fumeur de la compagnie!

                        Si la nouvelle me déplaît fortement, il est clair qu’elle liquéfie totalement mon pauvre voisin habitué à ses deux paquets de cigarettes aux clous de girofles et au goût je le conçois…abominable. Moi-même fumeur régulier cela me rend un brin septique! Allez me dis-je tout en me motivant intérieurement, voici l’occasion de réduire un temps ma consommation tabagique excessive et hop un pied de nez à mon ami cancer qui du coup s’en trouvera fort contri! Bref nous voilà en plein ciel. Je goûte à un bon dîner Franco-Sinisant tout en savourant un excellent Pomerol. J’hume le divin breuvage, le déguste des yeux, respire ses senteurs exceptionnelles lorsque mon Cantonnais adepte, comme ses congénères, des bonnes manières se met à roter. Pas le petit rot que ferait un charmant bambin après avoir ingurgité son petit pot de « saveur veau & haricot  » mais un de ceux profond, rugueux qui provient d’outre-tombe!!!! Je ne m’offusque pas outre-mesure connaissant tout le tact de mes compatriotes du Sud de la Chine mais me sens légèrement moins d’appétit quand même.

                        Je n’ose tourner la tête vers le charmant garçon car dès que je le regarde il se penche vers moi la bouche pleine et les dents jaunes tout en continuant à s’empiffrer comme un réfugié Somalien devant un bol de riz! Me voilà enfin parvenu au dessert. Je me laisse aller, recommande une deuxième bouteille de ce doux breuvage et me dis que puisque je ne peux fumer, autant doucement m’enivrer pour me laisser par la suite tomber tranquillement dans les bras de Morphée. Le temps m’en apparaîtra du coup moins long. Mon brave ami continue la bouche ouverte à avaler son assiette puis une fois celle-ci engloutie me demande, un bout de haricot coco coincé entre deux dents déchaussées, s’il peut dévorer la mienne. Ils sont épatants ces Cantonnais! Que ce soit en Chine ou à Hong-Kong  je les voient constamment entrain de manger et de fumer, c’est dans les gênes faut-t’il croire! Néanmoins contrairement au idées reçues, croyez-moi il sont loin d’être fins et ce dans tous les sens du terme! Mais force est de constater qu’en matière culinaire, ils n’ont de leçons à recevoir de personne. A défaut en matière de « bonnes manières » lorsqu’il mangent j’ai un peu de mal à digérer leur fort artistique mais peu mélodieux « sluuuuurrrrrpppppp…pffiiiii » qui correspond à l’aspiration soudaine d’une ration de nouilles entières….pauvres petites nouilles!

                       Bref je m’égare. Mon agréable colocataire aérien termine joyeusement mes restes de poulet au basilic puis avec grâce se met à cracher dans son verre vide d’un élégant « Rrrachachhhht ppfffuiiii ». Tout le raffinement de l’Asie à ma porte, merci mon Dieu, il a bien mangé, il a bien bu, il a la peau du ventre bien tendu! Ouf! le voilà enfin repu. Je porte mon verre à mes lèvres et un filet de vin s’évapore dans ma bouche lorsque mon loustic décide sans prévenir de se lever, heurte le plateau et la tablette lui servant de « table », se déséquilibre, fait voler mon plateau et ma bouteille laquelle retombe sur mes genoux. Le vinesque liquide s’étale brutalement sur mon pantalon et éclabousse ma chemise blanche. Le Chinois se rattrape d’une main au siège de devant et se confond en excuse pendant que je m’échigne avec l’aide d’une hôtesse à faire disparaître les lourdes tâches du précieux liquide. Ce qui n’empêche pas « dents jaunes » de m’enjamber tel un petit rat d’opéra en manque cruel d’entrainement, ne manquant pas au passage de me lancer involontairement son coude sur ma joue droite puis de disparaître rapidement pris d’un soudain besoin impérieux d’uriner sans doute déclenché par un trop plein d’émotion!!! 

                     Quand à moi je suis passé de Yves Saint-Laurent pour homme à Pomerol spécial senteur entêtant! J’empeste et je peste!!! Le voyage reprend enfin toute sa quiétude puis quelques heures plus tard, assoupi, je sens mon siège commencer à vibrer! Je m’éveille et constate que l’avion commence à tanguer dangereusement. « je t’aime moi non plus » à toujours son air ahuri mais teinté d’une lueur d’inquiétude tout en continuant à curer frénètiquement ses dents pourries. Je regarde l’écran devant moi et constate que nous sommes en plein Golfe Persique aux limites du territoire Irakien. Je m’entends dire « il ne manquait plus que cela, c’est le pompon! » Le tremblement de l’avion devient plus menaçant lorsque la voix du commandant de bord se fait soudainement entendre. « Mesdames, Messieurs nous sommes sujet à de légères turbulences. ne vous inquiétez pas, nous avons la situation bien en main mais je vous prie d’attacher vos ceintures et de relire la petite fiche « procédure d’urgence » placée dans le filet à l’arrière du siège devant vous, merci… » puis brutalement plus rien.

                     Les hôtesses partent précipitamment s’asseoir la mine défaite. Les passagers qui m’entourent deviennent réellement inquiets. l’avion commence à faire des bonds violents. Une femme placée derrière moi se met à réciter un « je vous salue Marie » à voix haute. Tiens une compatriote me dis-je! Le Chinois se contient d’uriner de nouveau…tant que cela n’est pas sur mes chaussures et puis au point où j’en suis, que diable! Un « sikh » à ma gauche sur la travée voisine est figé comme un poteau inerte. Sa voisine pleure. La lumière s’éteint brusquement. Votre brave serviteur commence à flipper lui-même sérieusement. L’éclairage d’urgence prend le relais pendant que l’avion entame une chute brutale. Ça y est me dis-je c’est la fin et dire que je vais décéder à côté de dents jaunes affublé d’une chemise blanche zébrée « Pomerol » et parfumé de surcroît du même cépage! C’est quand même dommage! Moi qui aime être propre, je vais rejoindre mes ancêtres souillé comme un galopin qui s’est roulé dans des flaques boueuses , voilà qui n’est pas dans les bons usages.

                       Je me retiens de mettre une bonne tannée à « Mr cure-dent » mais le pauvre est si horrifié que cela n’y changerai rien. La Française de derrière est passée au notre père, voilà qui me permet de réviser mon catéchisme, comme quoi même dans les situations les plus dramatiques il est possible de continuer à entretenir son savoir!  Je me remémore les témoignages de mes concitoyens qui dans d’ultimes et semblables moments révèlent qu’ils revoient en un instant leur vie défiler mais moi rien….je ne pense qu’à une chose de façon lancinante; c’est fort dommage que je ne puisse puisse pas m’en fumer une dernière, vous savez la cigarette du condamné! Bref perdu dans mes pensées fumesques la voix du commandant se fait de nouveau entendre mais bien moins suave et rassurante que la fois précédente. Exit les mesdames, messieurs, idem de la traduction en Français et en Cantonnais! une phrase, une seule, prémonitoire? » La tête dans les genoux, vite….! »

                      Alors là j’ai eu la trouille de ma vie. J’ai juste pensé que je ne pourrai sûrement pas assister au mariage d’un ami prévu deux mois plus tard et que le pauvre allait être très déçu car il n’est jamais plaisant d’assister à un enterrement juste après s’être marié, mais me suis juste promis, non violent que je suis, que si dans la maigre hypothèse où je m’en sortirais vivant, ce ne serait pas à « dent jaune » que je mettrai un bon coup de boule mais bien au premier soldat de l’armée Irakienne que je rencontrerai. Parfois il est bon de savoir se défouler! L’avion continue sa chute. les secondes deviennent des éternités. Le » sikh » lui est resté la tête haute et va mourir dans la dignité et moi, vulgairement parlant, je n’en ai plus rien à foutre de la dignité et reste la tête à moitié dans les genoux tout en tentant d’apposer malgré les vibrations un peu d’encre sur un maigrelet bout de papier pour écrire un mot d’adieu destiné à mes parents et mes proches. Ça y est c’est la fin! Je me demande quel sera mon dernier geste. Important le dernier geste! pourvu qu’il soit élégant…. je me dis que finalement je suis chanceux ( mon côté « éternel optimiste »!), que cela va être bref, sans douleur car je n’aime pas souffrir et que ma foi il faut savoir en toute circonstance relativiser! Mourir en première classe après un bon bourbon et un succulent Pomerol, c’est finalement pas si déplaisant que cela! Dire que d’autres n’ont pas cette chance…dommage!

                      Soudainement l’avion commence à se redresser et nous aussi. l’électricité revient et nos visages blêmes reprennent des couleurs. Ma bigotte de derrière clâme toujours ses mortuaires prières un chapelet entre les mains. Son mari de voisin à le visage hagard (il y a de quoi avec tout ce qu’il encaisse, le malheureux il doit être en état de choc sévère!!!) Le silence est pesant hormis « le cul de bénitier » qui je le sens va bientôt nous pondre un « Deo Gratias » (Rendons grâce à Dieu) suivi d’un « Alleluia » non  moins retentissant. Personne ne pipe mot. Nous nous contentons de nous regarder mutuellement et non plus mortuairement, ca change! Soudain la voix du commandant retentit.  » Mesdames, messieurs nous avons été (je m’attends à ce qu’il dise « touché par un missile bidule machin truc!) sujets à de violentes perturbations et avons du prendre la décision précipitée de baisser de 10000 pieds, nous vous prions d’accepter les excuses de la compagnie Cathay-Pacific et blabla, blabla… » Il devait y avoir peu d’Anglo-saxons dans l’aéronef car croyez-moi personne n’a applaudi! Quelle fâcheuse manie ont-t’ils donc ces Anglo-Saxons d’applaudir pour un rien, c’est fou quand même et c’est tant mieux car imaginez cette bande de joyeux débiles applaudir à l’idée que l’on puisse s’écraser!De mauvais goût ne trouvez-vous pas? C’est en foulant enfin le sol Anglais que j’ai pu enfin me griller ma cigarette du condamné désormais gracié. Quel voyage!!!!!

Bien à vous,

Saint-Sulpice

PS: Je n’ai pas rencontré d’Irakien ayant participé à la première guerre du golfe dans l’armée régulière mais reste à votre disposition pour toute information susceptible de me permettre, même si finalement il n’y étaient pour rien, de tenir ma promesse, merci d’avance!!!! 



1 commentaire

  1. hugomarlien 22 mai

    En te lisant, je constate avec plaisir que les grands esprits se rencontrent. De folles aventures nous attendent encore…
    Au plaisir de te lire bientôt,
    Hugo, comme victor mais sans l’esprit!

    Dernière publication sur Carnet de voyage : De Jakarta à Yogyakarta (Djodja)

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